A la recherche de perles rares en tous genres et de toutes les époques
(Où il est question de lectures récentes mais aussi de souvenirs plus que persistants...)
mardi 23 août 2016
La nuit sera calme, Romain Gary (Gallimard, 1974)
Rares sont les écrivains qui inventent un genre littéraire.
Rares sont les écrivains farceurs.
Rares sont les écrivains qui ne retouchent pas des entretiens destinés à être publiés.
Romain Gary est un écrivain rare bien que célèbre et l'inventeur de l'entretien fictif ainsi que de son double littéraire Emile Ajar.
mardi 5 juillet 2016
Vie d’un païen, Jacques Perry (Robert Laffont, 3 vol. – 1965, 1966, 1967)
Voici une fresque de 900 pages
menée tambour battant et tombeau ouvert sur près d’un siècle. L’histoire est celle
du personnage principal - Charles Desperrin -, peintre de génie mais surtout homme
immensément libre qui ne rentre dans aucune catégorie, ne supportant ni le
carcan de la société, ni les chapelles artistiques ou anarchistes, tout ce
petit monde l’ennuyant par son étroitesse et sa rigidité d’esprit. Sa longue
vie est ainsi à la hauteur de sa personnalité hors du commun, « bigger than life » et non « plus grande
que nature » car Charles Desperrin est la nature même. A l’état pur. Indestructible.
Si bien que l’on se demande en refermant ce
livre si son auteur – Jacques Perry (1921-2016) - n’a pas réussi à y faire
entrer toute la vie. Ou plutôt tout ce qui compte dans la vie. Car tout y
est : le temps qui passe, la création, l’art, la famille, l’amour, la
sexualité, la joie, la douleur et la sublimation de soi. Entre autres. Tout
cela grâce à un souffle rare, d’une prodigieuse intensité, qui donne l’impression
d’entendre la vie battre à l’intérieur de chaque phrase. Jusqu’au point final.
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PS : Le titre est magnifique
et dit tout à lui seul. Magnifiques, les sous-titres le sont également : La Beauté à genoux (vol. 2) et La peau dure (vol. 3).
samedi 27 février 2016
lundi 4 janvier 2016
Le Tutu – Mœurs fin de siècle, Sapho (Tristram, 2008)
Voici la perle rare littéraire
par excellence : aussi exceptionnelle sur le plan de la qualité que sur
celui de la quantité puisque l’ouvrage, initialement paru en 1891, n’a jamais
été distribué en librairie, n’a jamais fait l’objet d’un dépôt légal, a
totalement disparu des circuits littéraires jusqu’en 1966 (date à laquelle
Pascal Pia « réveille » son existence dans un article à La Quinzaine littéraire), n’a que cinq
exemplaires originaux connus (appartenant tous à des particuliers) et n’a trouvé
rééditeur que vingt-cinq après sa redécouverte, soit exactement cent ans après
sa première parution.
Et, comme par miracle ou tout du
moins par enchantement, ces mystères liés à la réception du livre sont à
l’image de celui qui entoure l’identité de l’auteur : le pseudonyme de (Princesse)
Sapho a en effet résisté aux attaques combinées de deux grands maîtres ès
enquête littéraire et démystification - Pascal Pia et Jean-Jacques Lefrère
– dont on retrouve les textes passionnants dans cette nouvelle édition de 2008
qui comprend en outre une excellente postface de Julian Rios.
Pour ce qui est du contenu de ce
parfait OLNI (objet littéraire non identifié), il s’agit peut-être bien de la
plus « hénaurme » attaque en règle – et du plus beau foutage de
gueule – jamais été tentée dans la littérature française à l’encontre de toutes
les formes du pouvoir. On est ici en plein festival d’imprévisibilité, d’exagération
et de blasphème en tous genres, à faire passer Sade pour un rabat-joie et un
petit joueur tant il manque d’humour et d’imagination à côté de cette Sapho.
Chaque page s’avère en effet un vrai jeu de massacre contre le bon sens et le
bon goût, les bonnes manières et la bonne société, les bons sentiments et le Bien
à un point tel que seul Jean-Louis Costes cent ans plus tard et dans un autre
registre artistique (la « performance ») semble avoir pu rivaliser en
matière de renversement total des valeurs et de dérèglement complet des sens. Tout
y (tré)passe : Dieu, la morale, l’amour, les femmes, les hommes, la
famille, les enfants, l’art, les politiciens, le monde des affaires, la
science, et même le genre, la sexualité, le corps humain… Bref, un véritable délire
grand-guignolesque et un feu d’artifice aux couleurs du néant et ce, d’autant
plus que Le Tutu (ah, quel
titre !) déborde de trouvailles langagières, aussi bien au niveau des mots
(grâce notamment à de multiples néologismes : hommier, diamétrer,
branle-basser, maboulique, etc.) que des images ou des idées (on flirte même par
moments avec le roman d’anticipation, comme avec le prémonitoire train
ultra-rapide reliant Paris et Lyon).
Cet ouvrage occupe donc une place
à part dans l’histoire littéraire, mais Sapho s’avère désormais un auteur
indispensable, sorte de chaînon manquant entre Lautréamont et Alfred Jarry
(ici, la « merderie » annonce le « Merdre » d’Ubu). Car Le Tutu est bien le roman ultime de
l’entropie fin de siècle : plus
encore qu’A rebours de Huysmans, il
atteint le point culminant de la veine décadente en même temps qu’il l’éteint,
énonçant si justement : « ici, on ne fait que dévivre. »
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