mardi 14 avril 2015

Pour Jean Prévost, Jérôme Garcin (Gallimard, 1994)




Pour Jean Prévost, oui, plutôt que "Tombeau pour Jean Prévost" tant ce livre le rend à la vie par une intensité qui semble à l'image de cet homme-écrivain dont l’oubli déjà ancien est d’autant plus incompréhensible qu’il occupait, avant de mourir en Résistant (le même jour que son ami Antoine de Saint-Exupéry), une place importante au sein du paysage littéraire français : publié chez Gallimard, secrétaire de rédaction de la revue Europe, proche de nombreuses personnalités influentes du monde des Lettres…

Comment se fait-il, alors, que son nom ait si rapidement disparu après-guerre des panthéons littéraires et que ses nombreux écrits n’aient pas été plus souvent réédités ? Trois hypothèses complémentaires - mais évidemment lacunaires - nous paraissent plausibles : 1/ l’homme brillait par une indépendance d’esprit rare et n’appartenait à aucun clan (surréaliste, existentialiste, communiste ou que sais-je…) ; 2/ ses publications relèvent de genres très variés et ne se limitent pas à la littérature (romans, nouvelles, poèmes, essais, critiques mais aussi articles de journaux, études d’esthétique…) ; 3/ la force et la trajectoire de son existence jusqu’à sa mort les armes à la main renvoyait peut-être le milieu littéraire germanopratin de la Libération à sa mauvaise conscience et susciter peut-être de la jalousie pour cet homme de trop de qualités...

Car le magnifique portrait que dresse Jérôme Garcin de Jean Prévost montre un homme intègre, lucide, courageux : le contraire d’un être petit, frileux et intéressé, uniquement concerné par la vie littéraire. Jérôme Garcin qui, livre après livre, rend hommage à des écrivains du 20e siècle injustement oubliés comme Jean de la Ville de Mirmont (Bleus horizons) ou récemment Jacques Lusseyran, autre Résistant incomparable (Le Voyant).